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La lutte anti-dopage, véritable volonté ou écran de fumée ?

Le dopage, fléau du sport moderne et hantise des fédérations mais aussi garantie d’un spectacle époustouflant est au cœur d’une lutte sans merci depuis plus de 50 ans. Vraiment ?

« C’est d’une hypocrisie folle » s’exclame Pierre Carey, journaliste à Libération et spécialiste du dopage. En cause ? La campagne anti dopage 2015 de l’AMA (Association Mondiale Anti Dopage). Le rapport s’y référant indique que les deux pays les plus touchés par le dopage sont l’Inde et Cuba, avec respectivement 23 et 22% de tests d’urine positifs, là où la plupart des pays ne dépassent pas les 5%. Selon Pierre, ces chiffres ne reflètent pas du tout la vérité. « Il suffit de regarder le bilan aux Jeux Olympiques de l’Inde pour s’en rendre compte. »

C’est vrai qu’avec ses 26 médailles depuis 1900, le pays indien ne fait pas vraiment partie du gratin des Jeux Olympiques. Les sportifs indiens seraient-ils moins performants, même en se dopant ? «  Il y a un dopage du riche et du pauvre », martèle Pierre. « Le problème avec le dopage, c’est que prendre des produits améliorant illégalement les performances ne veut pas forcément dire se faire prendre. Quand on a de l’argent, c’est très facile de passer au travers des mailles du filet en s’offrant, par exemple, des laboratoires à la pointe de la technologie. »

Des enjeux financiers énormes

Le parcours de Lance Armstrong en atteste La tromperie du sextuple vainqueur du Tour de France a mis près de dix ans à être découverte. L’ex-cycliste affirme maintenant que son sponsor, l’US Postal , était au courant de ses pratiques. Mais les sommes qu’il percevait grâce à ses performances ont fait office de bâillon. Aujourd’hui, l’US Postal accuse Armstrong de fraude et lui réclame 94 millions d’euros.

A l’inverse, d’autres pays, comme l’Inde doivent bricoler avec les moyens du bord et utilisent des produits beaucoup moins discrets. Les athlètes se font prendre plus fréquemment, qu’ils en soient conscients… ou non puisque certains peuvent ingérer en toute bonne foi des aliments contenant des substances illégales. Cette situation peut être évitée avec un minimum d’accompagnement.

L’hypocrisie des Agences Anti-Dopage

« De toute manière, on ne trouve que ce qu’on cherche », regrette Pierre Carey. Le journaliste pointe ici du doigt un autre problème : les agences anti-dopage. Que pense-t-il de l’AFLD (Agence Française de Lutte contre le Dopage) par exemple ? « C’est une vaste blague. Elle ne cherche qu’à prouver sa légitimité à coup de rapport et belles paroles. » Et ce n’est pas forcément en révélant les cas de dopage au grand public que les agences se mettent le plus en valeur : comment mettre en doute le travail de la police s’il n’y a pas de crimes ? Nous avons contacté l’Agence Française Anti-Dopage qui n’a pas souhaité répondre à nos questions à ce sujet.

Le show ou l’honnêteté

Pierre Carey est catégorique : si on veut lutter contre le dopage, il faut faire évoluer les mentalités. « Le dopage moderne prend ses sources dans le nationalisme de la Guerre Froide. Il fallait tout faire pour être meilleur que le voisin », rappelle-t-il. Le fait que les contrôles soient effectués par des agences privées et nationales n’aide pas à gommer cette idéologie latente. Dernier exemple en date, le dopage institutionnalisé russe : « Si l’agence de contrôle n’avait pas été russe, cela aurait été plus difficile pour le gouvernement de mettre en place un tel réseau car il n’aurait pas pu utiliser la fibre patriotique pour faire pression. »

La lutte anti-dopage a commencé dans les années 1960 avec la mort du cycliste danois Knut Jansen pendant les Jeux Olympiques. Les choses n’ont pas avancées depuis puisque les laboratoires aidant les tricheurs s’apparentent au lièvre tandis que les contrôleurs jouent le rôle de la tortue. Dès lors qu’on ne peut vaincre le mal, ne vaut-il pas mieux lui ouvrir les bras ?

A une époque où l’intérêt du sport se trouve autant dans le show proposé que dans la compétition elle-même. Les exploits individuels font vendre et le dopage les facilite. Résultat, de nombreuses fédérations ferment les yeux, sans que cela ne pose de problèmes à grand monde. Comment croire la NBA quand elle nous annonce sans ciller que Ben Simmons n’a pas triché malgré ses 15 kilos de muscles pris en à peine un mois ? Ne serait-il pas mieux de laisser tomber le voile et permettre aux athlètes de se donner tous les atouts possibles pour faire rêver les spectateurs et consommateurs ? Ce n’est pas en tout cas la direction que semble prendre les fédérations. Au moins les règles en vigueur protègent les sportifs des excès…

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